Franchir le pas

L’école dans le noir.

A la rentrée de septembre, lors d’une réunion de synthèse, le directeur nous soumet, à mes collègues et moi, une demande émanant du CAES (centre d’audio phonologie et d’éducation sensorielle).
Il s’agit d’accueillir un adolescent non voyant.

Grand silence dans la salle. Tout le monde baisse les yeux et réfléchit.
Je pense immédiatement : « Comment vais-je faire ? « et : « Je ne peux refuser d’aider cet élève ». C’est le dilemme auquel on ne peut échapper lors d’une telle demande.

Le directeur apporte alors une information supplémentaire : une auxilliaire d’intégration accompagnera l’élève, tout au moins dans un premier temps.
Cela détend un peu l’atmosphère et nous permet de surmonter la peur d’être seul face à une situation inconnue.

Nous acceptons. L’élève arrivera la semaine suivante, c’est tout ce que nous savons pour l’instant.
Nous aurions aimé rencontrer les intervenants du CAES, avoir quelques précisions sur le jeune lui-même et sur son handicap. Cela nous aurait mis en confiance. . .

Quand j’annoncerai aux autres élèves l’arrivée d’un camarade non voyant, la réaction sera la même que pour les enseignants : un silence pesant comme lors de la survenue d’une catastrophe.
Puis les questions fuseront : « Comment va-t-il faire ? » « Pourquoi ne voit-il pas ? » « Est-il né comme ça ? » « Que peut-on faire ? »
Ils exprimeront ainsi leur besoin de savoir, leur inquiétude et leur envie d’aider. . .

L’intégration de Steve a réussi.
Rapidement il en a eu assez d’être chaperonné par un adulte, surtout pendant les récréations, et ses camarades ont accepté avec plaisir de l’aider dans ses déplacements.

La classe était difficile au départ, eh bien l’intégration a d’autant mieux réussi.
L’hétérogénéité des élèves a engendré une plus grande tolérance vis à vis du handicap de Steve.

Je n’ai jamais agi comme si Steve pouvait tout faire comme les autres, j’ai adapté mes attitudes et le contenu de mon enseignement.
J’ai privilégié les tehniques et les modes d’approche qui lui convenaient le mieux afin de favoriser sa réussite, sans pour autant minorer trop mes exigences.

Je ne l’ai jamais surprotégé. Il faut parfois savoir dire non à des demandes excessives.