Pourquoi privilégier la communication virtuelle alors que, de par sa nature même, elle limite les indices sensoriels ?
Pourquoi y sacrifier une grande part de son temps ?
Pourquoi en venir à ignorer le monde qui nous entoure, les amis qui sont là, les êtres chers que l’on côtoie, au profit d’un monde sans consistance réelle, au prix de messages apauvris destinés à des êtres désincarnés ?
Pourquoi renoncer à la trace, au poids, à la passion, de l’expérience matérielle et humaine ?
Parce qu’en devenant un être anonyme, on a la possibilité de se décrire autrement, mieux, d’une façon plus conforme à ses désirs profonds, sans les contraintes de son apparence, de ses blessures, de ses inhibitions, de ses tabous.
On peut s’enrichir, se réinventer, explorer l’au-delà de tous les possibles.
On peut tricher sans risquer le rappel à l’ordre du réel.
On peut enfin devenir le modèle idéal : jeune, beau, invincible, omnipotent, immortel, le héros des contes initiatiques des « temps modernes ».
La communication virtuelle n’est-elle donc qu’une illusion, un rêve dangereux dont on risque de demeurer prisonnier ?
Non, si on ramène ce type de communication à son statut véritable, si on lui rend sa place : un moyen d’échange d’informations avec des personnalités compétentes mais difficiles à atteindre, ou encore un moyen de travailler en commun sans le poids de déplacements longs et coûteux, ou même un moyen de garder un contact léger, forcément léger, avec des personnes qui se sont éloignées, ou peut-être un fabuleux moyen d’abolir momentanément les distances avec des êtres qui, dès que possible, reprendront leur réalité.
Et aussi un merveilleux moyen de pallier des difficultés physiques.
Mais il ne faut pas oublier que le réel précède le virtuel et est destiné à lui succèder, qu’il est donc un moyen et ne pourra jamais être une fin, sauf à se perdre dans un imaginaire stérile.